Objection de conscience: jusqu'où?

L'administration Obama, comme tous ces prédécesseurs, a commencé par geler toutes les mesures 'de dernière minute' de l'administration Bush pour pouvoir examiner si oui ou non elle les laisserait passer sous forme de loi. Parmi ces mesures, un enjeu décrit par ses partisans comme 'l'interdiction de verser de l'argent fédéral aux cliniques sanctionnant les médecins ou les infirmières qui refusent de pratiquer des avortements ou de prescrire des contraceptifs par conviction religieuse'. Cette mesure, qu'il est désormais clairement prévu de rayer, fait également discuter ailleurs. Alors quelques explications.

L'objection de conscience, 'un acte personnel de refus d'accomplir certains actes allant à l'encontre d'impératifs religieux, moraux ou éthiques dictés par sa conscience', l'éthique médicale et la législation qui encadre l'exercice de la médecine ont effectivement jugé prudent de la garantir. Y compris aux États-Unis, et bien avant Bush. Mais pas à n'importe quel prix. Par exemple, le texte de loi sur la santé à Genève est le suivant:

Art. 82 Objection de conscience
1 Le professionnel de la santé ne peut être tenu de fournir, directement ou indirectement, des soins incompatibles avec ses convictions éthiques ou religieuses.
2 L'objecteur doit dans tous les cas donner au patient les informations nécessaires afin que ce dernier puisse obtenir, par d'autres professionnels de la santé, les soins qu'il n'est pas disposé à lui fournir.
3 En cas de danger grave et imminent pour la santé du patient, le professionnel de la santé doit prendre toutes les mesures nécessaires pour écarter le danger, même si elles sont contraires à ses convictions éthiques ou religieuses.

Il s'agit donc de protéger ceux qui se refuseraient à commettre un acte contraire à leur conscience. Ils ne peuvent par contre ni barrer au patient l'accès à cet acte pratiqué par un autre, ni opposer leur conscience à l'intérêt du patient dans l'urgence.

La réglementation Bush aurait prévu bien plus que cela. Si elle était passée, tout le personnel d'un établissement de santé, des médecins aux nettoyeurs, auraient pu refuser de fournir leurs services, leurs conseils, ou toute informations sur tout les sujets auxquels ils auraient personnellement été moralement opposés. L'avortement bien sûr (y compris donc l'information qu'un autre médecin accepterait de le pratiquer), mais aussi la contraception, la transfusion sanguine, et même la vaccination. Techniquement, il aurait été considéré comme licite de refuser, par exemple, d'apporter à manger ou de nettoyer la chambre d'une femme qui serait hospitalisée pour un avortement, qui aurait demandé une contraception sur son ordonnance de sortie, ou qu'on aurait vaccinée contre la grippe.

Alors ceux qui auraient sans doute aimé voir les soignants se transformer en défenseurs de leurs idéologies clament bien sûr à la perte du droit à la conscience morale...Mais c'est là maintenir une illusion d'optique. Les réglementations en vigueur protègent déjà très bien le droit de refuser des interventions. C'est le droit de rejeter des gens qui est refusé. Et ce droit là, comment le demander en conscience ?

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L'équilibrisme du secret

Protéger en même temps la vie privée et le respect des lois est un vénérable problème de l'éthique publique et de la philosophie politique. En d'autres termes, c'est un casse-tête chronique. L'un et l'autre nous importe, mais ils ne vont pas toujours bien ensemble, mais l'un et l'autre nous importe, et ainsi de suite depuis des siècles. C'est cela qui ressort maintenant sous la forme des discussions autour du secret bancaire.

Un des meilleurs exemples de cette tension est une fable racontée par Platon. Dans cette histoire, un personnage nommé Gygès trouve un anneau qui lui permet de devenir invisible. Il en profite pour voler, tuer et satisfaire tous ses désirs. La questions: vous, que feriez-vous dans une telle situation? Et derrière cette question-là, une autre: un comportement juste résulte-t-il seulement d'une convention sociale et arbitraire, ou peut-il avoir sa source dans un pur intérêt moral ?

La réponse cynique est bien sûr qu'une personne intelligente fera semblant de respecter les lois et la morale afin de servir au mieux ses intérêts. Si on croit cela, on a vite fait de conclure que seules les personnes ayant quelque chose à cacher tiennent à la confidentialité. Tout secret devient donc moralement suspect, ressemble à la fameuse fumée qui ne vient pas sans feu.

Mais il y a deux difficultés avec cette sorte de conclusion. D'abord, et très pragmatiquement, le cynisme n'est qu'en partie justifié. La fascinante et -au départ- involontaire expérience d'un vendeur de bagels américain a montré que l'on pouvait se fier au sens moral des gens dans environ 87% des cas. D'où sort ce chiffre? Ce distributeur un peu inhabituel dépose tous les matins dans de grandes entreprises des petits pains, du fromage frais, un couteau, et une boîte sur laquelle est indiqué le prix du petit déjeuner. Il passe à la fin de la matinée reprendre la boîte et les restes, et peut ainsi compter le nombre de personnes qui se sont servies sans payer. Un système sur l'honneur. Il paraît qu'il vous jauge ainsi la santé morale d'une entreprise, mais c'est une autre histoire. Ce qui nous intéresse aujourd'hui, c'est que ce chiffre est tout de même très respectable. Le verre est plus qu'à moitié plein.

Bon, il reste les 13% et ceux-là ont quelque chose à cacher. Mais l'autre difficulté, c'est que cela n'annule pas l'importance de garder des zones privées, des informations que nous ne partageons pas sans autre. Nous sommes, tous autant que nous sommes, généralement plus intéressants que nous ne semblons l'être publiquement. Parfois, parce que nous savons que nous ne le montrerions pas publiquement. Et même ceux dont la vie privée n'a rien de plus intéressant que leur vie publique peuvent vouloir cacher ça. Ces zones, nous les protégeons pour des raisons qui n'ont rien d'arbitraire, et surtout rien de coupable.

Mais quelles informations doivent y être incluses, dans cette sphère privée? Notre santé? Certes. Le secret médical est en partie ancré sur la nature indiscutablement privée de notre corps. Notre domicile? Déjà nous y autorisons l'accès plus facilement qu'à notre dossier médical. Notre argent? En partie du moins. Quelle partie? On parle beaucoup ces temps de secret bancaire, et il n'est pas étonnant qu'une part du débat tourne autour de la fraude fiscale, puisque ce délit concerne justement la délimitation entre l'argent qui m'appartient, et celui qui appartient à ... la sphère publique.

Cette difficulté, le fait qu'un secret couvre à la fois ce qu'il devrait et ce qu'il ne devrait peut-être pas, n'a rien de spécifique à la fraude fiscale. Il arrive aussi que nos domiciles cachent des activités illicites, et ce n'est pas pour autant qu'on y installe des caméra vidéo. Les médecins aussi reçoivent parfois des informations pouvant intéresser la justice. La solution généralement adoptée est que personne ne partage des informations privées sans une bonne raison, et que ces raisons sont codifiées explicitement, ou évaluées par un intervenant neutre. Un mandat ouvrira un domicile. Le secret médical a ses exceptions clairement décrites, et le secret bancaire normalement aussi. Mais c'est justement là que ça se corse. Les exceptions au secret médical font partie des règles définies par tous et pour tous dans un état de droit. La difficulté du secret bancaire, c'est que ses règles doivent se définir, en partie tout au moins, dans les rapports de force, et parfois les tensions, qui règnent dans la complexité des relations internationales. Il est (encore) moins simple de définir ce qui constitue une bonne raison, et qui doit en être juge. Tant que la question 'doit-on moralement cacher cela?' a une réponse claire, cela peut être jouable. Mais dès que ce n'est plus le cas, une question qui aurait dû être mûrement réfléchie risque de très très vite inclure dans sa réponse, quelle qu'elle soit, plus de 13% de cynisme...

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Payer la médecine

paru dans la Revue Médicale Suisse le 25.2.2009

«Mais je vais jamais trouver les soins intensifs… !». Je viens de dire à la femme de mon patient que son mari a dû être opéré en urgence, et n’est plus dans la chambre où elle vient le voir depuis la semaine dernière. Tous les jours, puisqu’il n’y en a pas eu un sans lui depuis 50 ans.

Je tiens sa main à travers les couloirs : un équilibre fragile ça n’aide pas quand on est à la dérive dans un hôpital. Au chevet de son mari, après le soulagement simplement d’être là, les questions viennent. Elle passera quelques très mauvaises journées avant que son mari ne soit hors de danger. Pendant ce temps, d’autres s’occuperont de mon patient. Mais je verrai sa femme tous les jours, dans un service où je viens comme en visite m’enquérir de l’évolution du jour. Il m’arrivera de poser des questions à sa place, de prendre le temps de redire certaines choses. Je fournirai à mes collègues des informations d’avant, parfois difficiles à reconstruire autrement. «Je viens de l’étage…». Pour un temps, me voilà devenue une variété hospitalière de médecin traitant.

Tout cela, comment le rémunérer ? Si la question semble presque ontologique, la réponse est urgente. Dans la médecine générale, on ne peut payer le résultat, trop souvent sans lien avec les efforts consentis. Que faire ? Payons donc ces efforts. Les actes. Certains sont faciles à définir : un électrocardiogramme, une radiographie. Payons le transfert d’informations : les rapports, et autres liants de la continuité des soins. Ne manque-t-il pas l’essentiel ? Payons le temps de la consultation, très exactement. Payons la réflexion. Resterait l’empathie. La lucidité. La bonté. Resterait, paradoxe ultime, à payer le choix quotidien de mettre l’intérêt du patient avant le sien propre.

Il n’est pas étonnant que quelque part sur cette liste, on se soit arrêtés. Mais cette difficulté revient périodiquement nous hanter. Car un généraliste est une foule de choses : un ouvrier de la médecine, un compagnon de route devant la fragilité du corps, un professionnel capable de faire des liens entre des connaissances de plus en plus disparates et de les synthétiser autour d’une pierre angulaire qui est une personne, plutôt qu’une maladie ou un geste technique. Son utilité, cruciale, pas toujours simple à définir, comment même la défendre ? Être généraliste, c’est aussi facturer en étant conscient que rares sont les choses pour lesquelles on sera payé à la fois par de l’argent et de la reconnaissance. C’est être témoin des effets des politiques de santé, mais toujours suspect de promouvoir ses propres intérêts lorsqu’on en pointe les dangers du doigt.

On ne peut, ces temps-ci, sans doute pas faire autrement que parler du paiement du laboratoire. Mais on se bat sur la pointe de l’iceberg. Sous l’eau, le malaise qui grève toutes les tentatives de chiffrer les impondérables de la présence humaine, de l’expérience, de la réflexion, de l’aide très intensément éduquée, devant la maladie. La médecine générale est à ce titre exemplaire d’une difficulté qui touche la médecine tout entière. Et parfois elle en fait les frais.

Quand cette tension resurgit, c’est toujours le même choix. L’aborder de front, mais dans une société où l’argent est le seul paiement cela signifierait étendre la liste du chiffrage. Ou reconnaître que la médecine a des scotomes que la rémunération ne peut atteindre. Et compenser cela d’une manière ou d’une autre ; peut-être même en surévaluant (combien ?) certains actes (lesquels ?) dans ce but. Que choisir ? Difficile. Mais il faudra payer quelque chose suffisamment pour permettre à la médecine générale de survivre.

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Prendriez-vous un vaccin contre l'amour?

Comment devient-on amoureux? Comment se fait-il que cette même chose puisse être simple comme inhaler l'air ambiant, ou au contraire donner méchamment l'impression que l'univers vous joue un sale tour? La question est de saison pour la Saint Valentin, d'autant plus que si le cœur a ses raisons... ces temps-ci la raison tente de les connaître. Et petit à petit, les bases biologiques du lien amoureux se dévoilent.

Bon, certes, il y a plein de choses plus romantiques que de savoir que les hommes porteurs d'une variante génétique particulière de AVPR1A ont une probabilité plus grande de rester célibataires, ou d'avoir des tensions dans leur couple quand ce n'est pas le cas. Mais il faut avouer que ce domaine est fascinant. Si vous regardez une photo de la personne que vous aimez, par exemple, votre cerveau active des régions également activées par le café, la cocaïne, et l'héroïne. Pas vraiment un scoop, peut-être. Après tout, on sait et on assume très bien qu'on est accro quand on est amoureux. Mais l'identification de substances qui pourraient être liées à juste ça, et plus spécifiquement justement quand on tombe amoureux, ouvrent des perspectives vertigineuses.

Une de ces substances est l'oxytocine et sa production est favorisée (on ne rit pas), entre autre et surtout chez les femmes, quand sont stimulés les seins. Vous n'en tirerez sans doute pas tous les mêmes conséquences... Cette hormone, on l'a testée sous forme de spray nasal et il semblerait effectivement qu'elle augmente la confiance. Combien de temps jusqu'au développement d'une sorte de pilule de l'engagement, qui nous permettrait de choisir de qui on devient amoureux? Certain(e)s le glisseraient sans doute en douce dans le verre de l'être aimé...et la face du monde en serait changée d'une manière passablement inquiétante.

Mais il se pourrait qu'il soit encore plus intéressant de faire l'inverse. De développer une anti-potion d'amour. Une sorte de vaccin. Car l'amour n'est-il pas une sorte de maladie mentale? Il nous fait après tout faire des choix de vie parfois très étranges. Qu'il nous arrive de beaucoup regretter. Il nous fait faire des choses profondément ridicules, parfois (circonstance aggravante) en publique, et nous rend aveugle à nos intérêts. Bref, il altère radicalement notre jugement. En plus, sa prévalence est à frémir.

Alors imaginez s'il était possible de choisir de ne pas tomber amoureux de quelqu'un. Cela ressemblerait à la solution pour une très très grande part de nos problèmes. Imaginez. Il nous arrive de tomber amoureux tout à fait à côté de la plaque. Il arrive aussi qu'on se dise avec la plus parfaite sincérité qu'il aurait mieux valu que ça ne tombe pas sur nous, pas sur ce partenaire, pas sur cette fois. Il arrive qu'on s'en morde les doigts encore des années plus tard. Ou qu'il semble qu'il serait tellement pratique de pouvoir 'guérir' l'amour qu'un autre nous porte quand on ne le rend pas. Maintenant imaginez qu'il existe, ce vaccin: l'auriez-vous pris?

C'est peut-être un exemple de notre manque de tête froide. Mais si je me demande ce que moi j'aurais fait et que je réfléchis mûrement, disons pendant une nanoseconde, je pense que notre réponse serait jamais de la vie...

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Notre morale darwinienne

Un certain Charles Darwin aurait 200 ans aujourd'hui. Alors bon, d'accord, l'évolution n'est pas précisément un scoop. Cette théorie (le terme peut prêter à confusion mais une excellente explication est ici) fut publiée il y a presque juste 150 ans. Mais c'est donc à double titre que 2009 est l'année Darwin. Toute une série de festivités scientifiques sont prévue dans de nombreux pays, et en Suisse ce site en centralise les annonces.

Quel rapport avec l'éthique? Beaucoup. D'abord, si pas mal de gens persistent à douter que l'évolution ait effectivement donné lieu à la diversité de la vie, des amibes à nos voisins de pallier, ce n'est pas seulement parce que comprendre l'évolution est compliqué. C'est aussi parce que c'est une blessure narcissique. Une lady distinguée, contemporaine du grand Charles, l'aurait très bien dit: 'Espérons que ce ne soit pas vrai que nous descendons des singes. Mais si c'est vrai, espérons que ça ne s'ébruite pas!'. Alors d'accord, on peut comprendre que nous ayons assez d'ego pour nous juger si infiniment supérieurs aux animaux qu'avoir des ancêtres communs nous blesse. Mais avouez que cette raison n'est pas très montrable. De la fierté à n'en pas être fiers. Comme motif, on fait mieux. Surtout quand il s'agit de refuser ce qu'une observation lucide du vivant peut nous apprendre, y compris sur nous-même.

Mais il y a un autre lien avec l'éthique, et qui est plus subtile. Car une des raisons pour lesquelles l'évolution se fait encore des ennemis alors qu'elle est devenue la langue maternelle de la biologie moderne, c'est que certains craignent que dès lors que l'évolution est vraie, alors c'est la guerre de tous contre tous, il est légitime que le plus fort gagne, bref les valeurs foutent, pour de bon ce coup-ci, le camp.

En fait, rien n'est plus faux. Malgré toute la force des images qu'évoquent des phrases comme 'la survie du plus fort'. Bien sûr, une valeur comme ça n'en serait pas franchement une, c'est vrai. Mais même s'il faut forcément simplifier un peu (les biologistes parmi les lecteurs me pardonneront j'espère), ce que prédit l'explication de l'évolution par la sélection naturelle, c'est en fait que toute caractéristique héritable qui offre un avantage, même faible, dans un environnement donné, va y devenir plus fréquente qu'une caractéristique neutre ou désavantageante. N'importe laquelle. Et ça, ça veut dire que les caractéristiques présentes aujourd'hui le sont, jusqu'à preuve du contraire, parce qu'elles offrent ou ont offert un tel avantage. Toutes. Très probablement, donc, même nos intuitions morales, Y compris l'altruisme, la générosité, le sacrifice de soi, tout ce qui semble être tellement aux antipodes de la nature sauvage que l'évolution semble dépeindre. Et finalement, est-ce si étrange? Si l'évolution 'sauvage' peut produire des papillons et des orchidées, pourquoi pas le sens de la justice? Darwin, que ces successeurs n'ont pas toujours lu, l'avait d'ailleurs très bien compris. Car comment vouloir expliquer les origines de qui nous sommes sans se rendre compte que notre conscience morale fait partie de cela? Penser que l'évolution nous dicterait d'abandonner l'éthique, c'est à peu près comme penser qu'elle nous dicterait de marcher à quatre pattes.

Scruter nos valeurs par la lunette de l'évolution, c'est en fait tenter de mieux comprendre comment ça se fait que nous ayons cette forme-là de conscience morale. Un peu comme l'évolution explique aussi comment ça se fait que nous marchions debout. Déstabilisant? Peut-être. Si l'on a besoin de penser que notre conscience morale est dictée par Dieu, par exemple, alors oui: songer qu'elle se serait en fait affutée au fil des millénaires en se complexifiant telle un figuier, le sonar d'une chauve-souris, ou le délicat mécanisme de notre oreille interne, ça peut bousculer nos repères. Mais sur le plan strictement moral qu’importe, dès lors que nous sommes d’accords que nos valeurs nous importent. Mieux: en donnant à nos valeurs une explication biologique, l'évolution en ancre résolument les origines dans ce qu'il y a de plus inécartable en nous. On aurait presque le droit d'être un peu rassurés...

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Les nourritures terrestres

Eluana Englaro s'est éteinte hier soir. Sans avoir du tout eu connaissance de l'orage constitutionnel et religieux déclenché en Italie autour de la décision d'interrompre son alimentation et son hydratation, toutes deux jusque là administrées artificiellement. Comment l'aurait-elle pu? Cette femme de 38 ans est dans un coma végétatif depuis 17 ans. Elle y est devenue un symbole de toutes sortes de choses: le droit de mourir, la lutte pour la légalisation de l'euthanasie, les positions catholiques sur le caractère sacré de la vie, la fragilité de la séparation entre l'église et l'état. Un enjeu d'éthique nationale en Italie, disséqué sur la scène mondiale.

Ce n'est pas la première fois qu'une décision d'interrompre l'alimentation artificielle soulève ainsi des passions. Avant Eluana il y avait eu Nancy Cruzan, et bien sûr Theresa Schiavo. Ayez l'immense, l'infinie malchance de vous trouver en état végétatif persistant, cela ne suffira pas. Les efforts de votre famille pour que l'on cesse de vous sauver une vie que vous ne vivez plus risquent de vous faire tous jeter en pâture à toutes sortes d'intérêts qui n'ont finalement pas grand chose à voir avec vous.

Car c'est un sort peu enviable que d'être un symbole. Et il est si simple d'exploiter l'histoire d'une personne incapable de se défendre. D'une personne dans le coma. Ou d'une famille en deuil. La réaction du "ministre de la santé" du Vatican, Javier Lozano Barragan à l'annonce du décès d'Eluana? 'Que le Seigneur l'accueille et pardonne à ceux qui l'ont conduit là'. La gifle à la famille est partie sans attendre. On a d'abord envie de penser qu'il a raté une occasion de se taire. Mais en fait non, c'est parfaitement logique. Parfaitement cohérent avec une politique de récupération intégrale du malheur de cette famille au bénéfice d'un agenda politique. Silvio Berlusconi illustre parfaitement la situation en saisissant l'occasion pour se plaindre que la Constitution italienne 'ne lui donne pas assez de pouvoirs'. On croit rêver, mais on n'a pas cette chance.

Ces combats de coqs autour du lit d'une mourante sont indécents. Ils rajoutent une couche de difficulté dont personne, à un tel moment, n'a besoin. Et surtout pas les familles de personnes en état végétatif persistant. Car même sans tornade médiatique, interrompre ou non une alimentation artificielle reste une décision que l'on prend à la croisée de plusieurs difficultés. La Constitution italienne garantit aux patients capables de discernement le droit de refuser une intervention médicale, quelle qu'elle soit. Mais ici, qu'aurait voulu la personne concernée? En l'absence de directives anticipées, il demeure souvent difficile de le savoir. Dans un tel cas, les chances de sortie du coma étaient minces au point de disparaître. L'alimentation artificielle peut alors être une forme d'acharnement thérapeutique. Mais elle reste difficile à interrompre. Car lorsqu'on pense à la nourriture, on pense à toutes sortes d'autres choses: le soin de l'autre, la convivialité d'une table, la solidarité humaine, le non-abandon. On pense aux nourritures terrestres. A la vie même. Des choses d'une importance énorme. Mais l'état végétatif persistant, bien évidemment, coupe l'expérience de tout cela. Il les coupe toutes. La personne atteinte ne peut plus les vivre. C'est là une partie de la tragédie. Ce qu'il en reste encore, ce que ses proches peuvent encore un tant soit peu 'partager', la présence, sa propre conviction de non-abandon de cette personne qui pourtant n'est plus vraiment 'là', le toucher, l'histoire que l'on continue de se raconter auprès d'une personne durablement inconsciente, tout cela doit alors de toute manière s'exprimer autrement que par la nourriture. Car comment rattacher tout ça à une poche de plastique au bout d'un statif? L'Académie Suisse des Sciences Médicale précisent que dans certaines circonstances 'le renoncement à tout apport en calories et en liquide peut se justifier' et relèvent loyalement que 'cette question fait l’objet de discussions controversées et de pratiques très différentes'.

En d'autres termes, c'est une décision qui doit se prendre mûrement, entre personnes pour lesquelles l'intérêt de la patiente passe avant le reste. Une pensée émue et solidaire aujourd'hui pour le père d'Eluana, qui a mené un long combat pour que les intérêts de sa fille soient considérés sans hypocrisie, mais ne disparaissent pas derrière les drapeaux des uns et des autres. Et qui a eu face aux média, après la mort d'Eluana, la réponse la plus digne que l'on puisse imaginer. Demander qu'on le laisse enfin tranquille.

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Cultiver le principe de précaution en plein terre

C'est le feu vert pour le premier essai de blé transgénique en plein champ de Suisse Romande. Ça va se passer à Pully, au milieu des vignes (donc justement pas au milieu de champs de plantes similaire non-OGM), et toute une série de mesures de prudence sont prévues.

Malgré quelques réactions indignées, il est rassurant de voir que l'heure est à la réaction raisonnable. Car toutes les prudences nécessaires face à la culture d'OGM mènent en fait à un essai exactement comme celui-là. Le but d'un moratoire est de permettre que la recherche avance avant de décider si on passera aux applications. Donc il faut la faire. Il est juste d'exiger une recherche protégée des conflits d'intérêts industriels. Celle-ci, financée par le Fonds National Suisse de la Recherche Scientifique, est indépendante et promet donc des résultats neutres. Le principe de précaution, trop souvent employé pour dire 'je trouve perso que ce truc est risqué, donc je pense que ça devrait être interdit', trouve ici sa juste place. Car que dit-il? La formulation 'canonique' du sommet de Rio est la suivante: 'En cas de risques de dommages graves ou irréversibles, l’absence de certitude scientifique absolue ne doit pas servir de prétexte pour remettre à plus tard l’adoption de mesures effectives visant à prévenir la dégradation de l’environnement.' Il s'agit donc d'un renversement du fardeau de la preuve. Et non d'une exigence de risque zéro. En clair, si on a des raisons de craindre des 'dommages graves ou irréversibles', on a le droit d'interdire jusqu'à s'être convaincu que le risque est raisonnable. La conclusion pratique est donc...un moratoire sur l'utilisation, mais la poursuite de la recherche. Qui peut-être nous convaincra effectivement de l'innocuité du blé transgénique. Ou peut-être pas. Nous verrons. C'est là tout l'intérêt de la faire, justement.

Si ce blé s'avère sans danger, ce résultat fera-t-il taire la critique? Sans doute pas. Resteront les adeptes du risque zéro, en tout cas lorsqu'il s'applique à ce sujet précis car nous sommes rares à l'exiger dans notre vie entière. Restera toujours bien sûr l'immense tâche de réglementer la vente des semences -OGM ou non- pour enfin interdire qu'elle ne serve de moyen d'exploitation des paysans des pays pauvres. Mais cet enjeu, qui passe trop souvent par le combat contre les OGM, les dépasse en fait largement. Car qui croit sincèrement qu'une interdiction du blé ou du maïs transgénique signerait la fin de l'inventivité humaine dans l'exploitation de nos semblables? Resteront aussi ceux pour lesquels le mélange génétique, même s'il était objectivement sans danger, resterait une sorte de souillure; qui ignorent en cela que la nature mélange elle aussi les gènes. Et finalement ceux qui craindraient de 'manger des gènes' comme on craindrait de consommer l'esprit ou la vie d'un autre être vivant...Une réincarnation contemporaine des interdits de manger le sang, qui serait à l'origine de l'abattage rituel? Peut-être. Mais comment leur dire alors que toute notre nourriture contient de l'ADN, tous les animaux, toutes les plantes, le lait, le thym, le chocolat, bref tout ce que nous mangeons à l'exception des minéraux et de certains extraits. Ils en viendraient peut-être à rêver d'un monde où l'on pourrait vivre de sel et d'huile d'olive ultrafiltrée sans résidu aucun...Il faudrait ajouter beaucoup d'amour et d'eau fraîche pour espérer y survivre.

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Rougeole: une épidémie d'ignorance

Selon la tradition bouddhiste, les racines du mal dans la vie humaine sont l'avidité, la colère, et l'ignorance. Et l'ignorance vient de tuer à nouveau: une jeune fille de 12 ans, morte des suites de la rougeole, faute d'avoir été vaccinée.
Et voilà qu'une nouvelle épidémie démarre à l'école Steiner de Crissier, décrite comme 'un terreau fertile pour la maladie, puisque de très nombreux parents de l’établissement anthroposophe sont opposés à la vaccination'. A l'idée que des parents puissent faire courir à leurs enfants le risque de mourir d'une maladie évitable, on aimerait accuser ces parents des pires fautes. Mais soyons lucides: décider s'il faut vacciner son enfant est devenu pour beaucoup de parents la quadrature du cercle. Depuis son invention, la vaccination a sauvé des millions de vies. La vôtre est peut-être du nombre. Et pourtant, contre elle, la désinformation fait rage.

Alors quelques rappels:
La rougeole tue. Un proverbe africain met en garde: 'Après la rougeole, compte tes enfants'. Même si la plupart des personnes atteintes se remettent, la rougeole est une maladie grave. Et qui laisse parfois des séquelles aux survivants. Elle est suffisamment sérieuse pour compter parmi les maladies à déclaration obligatoire: les médecins des enfants de Crissier n'exerçaient donc pas le secret médical en taisant l'existence des premiers cas, mais semblent avoir oublié ce 'détail' au début de l'épidémie.
Si 95% de la population est vaccinée, il n'y a plus d'épidémies. Les 5% restants peuvent alors tranquillement refuser la vaccination, sans courir de véritables risques. Il devient alors possible de les citer à l'appui de thèses anti-vaccinales, alors qu'ils bénéficient en fait de la vaccination 'l'air de rien'. En Suisse, on est loin du compte. Et une épidémie sévit chez nous depuis 2 ans. Les personnes non vaccinées sont donc bel et bien à risque.
Vacciner, c'est renforcer les défenses naturelles de l'enfant. C'est vrai que la rougeole renforce le système immunitaire. Elle...immunise contre la rougeole. Si on survit. Le vaccin fait la même chose, sans tuer personne. En fait, un vaccin ne peut fonctionner que grâce à nos défenses naturelles. C'est comme apprendre à un enfant à nager avant de le laisser à ses propres moyens du côté profond de la piscine. Le vaccin apprend aux défenses de l'enfant à combattre la maladie.

Ce dernier point est crucial. On entend souvent la vaccination critiquée au nom du fait qu'elle ne serait pas naturelle. Pour les personnes intéressées, un très bon dossier sur la vaccination se trouve ici, et il y a un survol assez complet de réponses aux arguments contre la vaccination dans les commentaires de ce blog. Mais l'argument du naturel ne tient juste pas. Vacciner est tout aussi naturel que faire du sport pour être en meilleure forme: on met le corps en situation de se renforcer. Ou alors c'est que l'on ne considère comme naturel que ce que l'humain n'a pas touché. Et alors oui, si on pense ça, alors on peut penser qu'il failler accepter de se laisser tuer...La rougeole est à ce titre effectivement plus naturelle que le vaccin, comme la peste et le choléra. Mais sérieusement, laisseriez-vous passer cette loterie à votre enfant? Et auriez-vous vraiment trouvé normal que vos parents vous y soumettent s'ils avaient eu le choix? Même les opposants aux vaccins ne pensent pour la plupart pas ça. Une fois l'enfant malade, les parents le font soigner. Heureusement. Mais malheureusement, parfois, il est alors trop tard.

Devant la flambée de désinformation, on doit s'attendre à ce que certains parents hésitent, attendent, 'retardent le plus possible', dans l'idée peut-être que leur enfant devenu plus grand 'saura mieux résister à la vaccination'. Mais si vous viviez à bord d'un bateau, attendriez-vous qu'il soit ado pour lui apprendre à nager? On doit comprendre, d'accord. Mais devant un cas de rougeole sévère chez un adolescent, entendre les parents dire 'on hésitait, mais justement on se disait que l'an prochain peut-être on le vaccinerait' est proprement révoltant. Vous me pardonnerez d'avoir du mal à comprendre, là, sur le moment, que ces parents sont eux aussi des victimes. Celles d'une idéologie.

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Initiative sur l'assistance au suicide en EMS

Les citoyens vaudois voteront peut-être sur une initiative visant à généraliser l'accès à l'assistance au suicide aux personnes vivant en établissement médico-social si elles font la demande. L'initiative, lancée par l'association d'aide au suicide EXIT Suisse Romande, a abouti et passera devant le peuple à moins qu'un contre-projet ne satisfasse les initiants. Elle demande l’ajout d’un article 71 bis dans la loi vaudoise sur la santé publique: «Les EMS qui bénéficient de subventions publiques doivent accepter la tenue d’une assistance au suicide dans leur établissement pour leurs résidents qui en font la demande.»

Actuellement, la plupart des EMS acceptent l'assistance au suicide dans leurs murs. Mais certains la refusent. Quels sont les enjeux du débat? A la base, entrer en EMS n'a pas pour conséquence la limitation des droits personnels. Même s'il est toujours triste de voir une personne penser sincèrement que sa vie est trop douloureuse pour pouvoir être poursuivir, vivre en EMS ou non ne devrait donc rien changer au droit-liberté qu'est le suicide assisté en Suisse.

D'autre part, il est inacceptable de contraindre qui que ce soit à participer à l'assistance au suicide si cette personne n'est pas d'accord. La Commission Nationale d'Ethique résume le cas des EMS ainsi:
Institutions de long séjour : Dans la mesure où un résident demande le suicide assisté et qu’il ne dispose pas d’un lieu de vie autre que ladite institution, il devrait pouvoir accomplir son acte en ce lieu, si cela est possible. Il en va autrement d’un établissement entièrement privé qui n’accueillerait que des résidents ayant été informés, lors de leur admission, que le suicide assisté est refusé en son sein. Le personnel des établissements de long séjour ne peut en aucun cas être contraint à participer à un suicide assisté (clause d’objection de conscience).

Il y a donc trois enjeux différents. Les résidents vivant en EMS ne sont pas privés de leurs droits, et en Suisse le droit de demander l'assistance au suicide en fait partie. La liberté des employés des établissements de long séjour de refuser la participation à l'assistance au suicide doit être garantie. Les établissements peuvent refuser l'assistance aux suicides dans leurs murs, mais à condition d'avertir leurs résidents à l'avance, et que ceux-ci aient le choix d'un autre EMS. C'est cette condition qui n'est souvent pas remplie aujourd'hui. D'où, sans doute en partie, l'initiative d'EXIT. Le 'match' entre les résidents et les EMS 'philosophiquement compatibles' fini par être une pure question de chance dans un système à flux tendus où il est fréquent de devoir prendre la place qui se libère, quand elle se libère.

Mais il y a d'autres enjeux, moins explicites. L'assistance au suicide n'est jamais un acte banal, et doit être entouré de critères de diligence, cruciaux sur le plan éthique même s'il ne sont pas tous prévus par la loi. Même s'il ne faut pas confondre EXIT et Dignitas, une part du débat tourne parfois autour des moyens des associations d'aide au suicide à garantir le respect de ces critères.

Alors faut-il que l'état interviennent? L'essence d'un droit-liberté est justement la non-ingérence. On peut donc être gênés à l'idée que l'état réglemente l'assistance au suicide. Il ne s'agirait surtout pas de l'encourager, cette décision devant au minimum être entièrement du ressort de la personne concernée. Mais légiférer c'est aussi parfois la garantie qu'il reste possible d'exercer ce droit. Et c'est surtout parfois l'occasion d'en encadrer l'exercice. Les hôpitaux comme Lausanne, Genève, et Zurich, qui ont accepté, dans certaines circonstances exceptionnelles, l'assistance au suicide dans leurs murs ont assorti cela de conditions sans lesquelles ces exceptions ne sont pas acceptées. Si l'initiative était votée dans le canton de Vaud, les EMS pourraient avoir une occasion similaire. Ils l'auraient encore plus sûrement si c'était inclu dans un contre-projet.

Sur un autre niveau, il serait heureux que cette initiative serve aussi d'occasion pour discuter de la liberté des personnes résidant en EMS de manière plus générale. Même s'il n'est pas surprenant que ces questions cristallisent autour de la 'liberté ultime' qu'est parfois le choix de sa propre mort, il demeure profondément paradoxal d'avoir le droit de demander une potion létale, mais pas de choisir son menu du soir...

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Un ordinateur sur ordonnance?

Les personnes ayant souffert un traumatisme important sont parfois victimes du syndrome de stress post-traumatique. Une sale tendance à revivre l'événement traumatisant au cours de flash-backs ou de cauchemars, qui peut mener à toutes sortes de difficultés dans la vie future. Plusieurs stratégies thérapeutiques et de prévention existent, notamment le débriefing thérapeutique des cellules de crise psychologique en cas de catastrophe.

Eh bien ces équipes auront peut-être bientôt un nouvel outil à leur disposition. Il semble que la tendance à souffrir de flash-backs puisse être diminuée...en jouant à un jeu vidéo. Et pas n'importe lequel: les chercheurs ont testé spécifiquement le vénérable Tetris, et montré qu'une séance juste après le visionnement d'un 'film traumatisant' empêchait en quelque sorte les émotions négatives de se fixer. L'interprétation, très préliminaire, serait que le cerveau dispose d'une fenêtre de temps limité pour 'fixer' un souvenir. Si on joue au Tetris pendant cette période, il est trop occupé aux tâches vidéo-spatiales pour 'imprimer' dans toute leur horreur les émotions négatives qu'il aurait sans cela reliées à la mémoire des événements.

Pour les intéressés, l'article original est ici. Alors bon, on ne peut pas vraiment simuler un vrai traumatisme dans des conditions expérimentales (heureusement!). Et pour être intéressant, l'effet devrait se confirmer sur des années, pas seulement sur une semaine. Mais c'est tout de même intéressant.

D'abord, parce qu'on entend beaucoup d'inquiétudes sur l'effet que les jeux vidéo pourraient avoir sur l'affect et le comportement des enfants. Il fallait être créatifs pour imaginer qu'on pouvait aussi se servir à buts thérapeutiques d'un effet limitant sur l'affect. Alors, sans doute, ça dérange. On a un méchant doute que ça doit forcément moins bien marcher que la thérapie plus expressive. Peut-être. Mais en médecine ce qui marche n'est pas forcément ce qu'on attend au contour.

On a aussi déjà soulevé le fait que limiter les affects liés à un traumatisme, si c'est très important chez la victime, peut poser un problème si c'est les affects négatifs du coupable. L'enjeu éthique principal, même s'il reste très hypothétique, est le risque qu'une personne puisse tenir compte de cette possibilité et passer plus facilement à l'acte. Qu'il devienne possible de s'auto-limiter à l'avance les émotions négatives, y compris celles qui nourrissent la 'mauvaise conscience'. Et donc peut-être de limiter du même coup certains obstacles internes que nous avons contre l'idée de faire subir un traumatisme à autrui.

Mais il y a aussi des circonstances où il est important de disposer d'un moyen d'éviter le syndrome de stress post-traumatique pour pouvoir venir en aide. Lorsque j'ai travaillé comme médecin d'ambulance, nous savions qu'un débriefing psychologique pouvait être obtenu sur demande. Nous nous en servions très peu, de cette possibilité. Je me disais alors que je devrais peut-être y aller plus souvent. Et voilà que je découvre que le temps que nous passions à jouer fébrilement devant l'ordinateur durant les rares heures creuses, loin d'être futilement gaspillé, était en fait thérapeutique! Génial. Je ne vous dirai pas précisément pourquoi j'ai tout à coup l'impression d'avoir été sauvée par le Tetris. C'est qu'on voit dans les urgences extra-hospitalières des situations que je ne peux pas vous raconter: après tout, qui me garantirait que vous avez le jeu adapté sous la main...?

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