Inégalités, insécurités


Quelle est la différence entre le mouvement 'Occupy Wall Street' et 'Occupy Stockholm'? Le deuxième, c'est par solidarité avec le mouvement mondial et non sur la base de revendications locales. Vous n'êtes pas surpris? Moi non plus. Mais pourquoi? Une partie de la réponse se trouve dans la vidéo qui ouvre ce message. Richard Wilkinson y détaille, clairement et tranquillement, les effets que les inégalités sociales ont sur les sociétés. Regardez ses tableaux, et vous verrez en partie une carte du mouvement des Indignés.

En Suisse...et bien on est un peu au milieu. Au milieu sur les mesures des inégalités sociales, au milieu aussi sur les mesures de toute une série de paramètres qui leur sont associés. On est passé, par exemple, en dessous du taux de 50% dans la mesure de la confiance. Le pourcentage de personnes qui pensent qu'on peut le plus souvent faire confiance aux autres. On se retrouve aussi entre les deux eaux sur toute une série d'autres mesures. Au fil des données, c'est en fait un autre regard sur nos débats politiques du moment qui se dessine. Car avec l'augmentation des inégalités, c'est aussi l'insécurité qui avance. Les sociétés plus inégales ont plus de crime. Moins de confiance. Punissent plus sévèrement. Leurs prisons sont plus pleines. Pas surprenant, peut-être, mais si tout cela s'observe c'est parce que nos façons d'aborder la chose restent très superficielles. Ce que montrent ces chiffres, c'est que diminuer les inégalités pourrait être une bonne mesure contre l'insécurité. Pas médiatique, pas intuitive, mais efficace? Peut-être bien. Une mesure un peu surprenante comme exemple de realpolitik, peut-être. Faire un pays plus équitable n'est pas exactement le sommet du cynisme. Mais si l'on croit les chiffres, cet angle de lecture mériterait d'être pris très au sérieux.

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Mes collègues (oui, j'en ferai d'autres à l'occasion)



Parfois, on est juste fier de ses collègues. Si vous ne l'avez pas encore lu, allez vite regarder le billet de Nicolas Tavaglione. L'école, parfois ça fait aussi réfléchir les parents mais là le moins qu'on puisse dire est que c'était sans doute inintentionnel. Voilà le début, avec le lien vers l'original comme il se doit:

"Ma fille rentrait de la première journée d’école de sa vie. En chemin, elle répétait qu’elle avait dans son sac un document qu’elle devait signer et ramener le lendemain. Elle était très sérieuse. Sa mère et moi avons bien rigolé. Elle s’est alors énervée. Nous avons ri de plus belle: «C’est fou, cette envie d’être grande». Ah les enfants! Mais le soir, en ouvrant la «fourre de communication» reçue par chaque écolier, il apparaît que notre fille n’avait pas fantasmé. Non. La fourre contenait une feuille où s’égrainaient les divers articles du règlement scolaire – parfaitement raisonnables au demeurant. Au bas de la page, une case pour la signature des parents. Et une autre pour la signature de l’enfant. La signature de l’enfant? Mais elle ne sait ni lire, ni écrire. Doit-elle vraiment signer? Oui, oui. (...)"

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Exclusion par inadvertance

Un peu de retard ce coup-ci car je suis allée entre temps à l'étranger, c'est de nouveau l'heure du billet dans la Revue Médicale Suisse. Alors je le reprend, bien sûr avec un lien vers l'original, en vous reproduisant l'article:

«Vous comprenez» me disait récemment un père de famille affligé «les maladies orphelines, elles font partie de l’évolution humaine !» A première vue, une déclaration évidente... L’espace d’un souffle, pourtant, on sent que derrière ces quelques mots s’ouvre un abîme. Car ce que cet homme défend avec cette force semble être ni plus ni moins que l’appartenance de ses enfants à l’espèce humaine. Et qu’a-t-il donc dû traverser pour penser aujourd’hui que cette défense est nécessaire... Sans doute, rien de carrément déshumanisant me direz-vous : nous sommes dans un pays civilisé. Mais combien de petites et de moins petites exclusions peut-on cumuler avant d’avoir, à l’arrivée, exactement la même impression ?
Car oui, se trouver sans réponse parce que sa maladie est différente des autres, on voit comment on peut prendre ça pour un signal que je ne suis pas quelqu’un comme vous. La maladie, ça fait partie des choses auxquelles nous ne pouvons vraiment faire face qu’en groupe. Seule, je ne peux pas prévoir mes maladies, ni donc budgéter leurs coûts. Je ne peux pas non plus «fabriquer» la médecine, la recherche, la prévention, les institutions de la santé, tous ces fruits de la collaboration humaine qui ne sont possibles que grâce à elle. Voilà donc deux responsabilités fondamentales qui devront s’exercer collectivement. Admettre la fragilité commune de notre corps, admettre qu’une personne malade est quelqu’un comme moi, c’est du coup reconnaître une responsabilité qui ne va pas pouvoir s’exercer juste pour moi.
Se sentir exclu de tout cela n’est pas anodin. Mais c’est un véritable risque, car ces enjeux sont sous-tendus par un malentendu assez prévisible. Empathie, responsabilité collective, solidarité, voilà des valeurs nécessaires, vitales, dans le domaine de la santé. Mais voilà aussi des termes qui divisent lorsqu’ils s’appliquent à d’autres domaines de notre vie politique. Qu’il s’agisse d’économie, par exemple, et à ma gauche, à ma droite, on ne va pas s’entendre. Normal. Mais le danger est de penser que l’analogie s’applique dans la santé. Dans les pays où l’on voit cette distinction, comme au Canada, les politiciens «de droite» soutiennent dans le domaine de la santé une assistance mutuelle qu’ils remettraient certainement en question ailleurs. Face à la maladie – ils l’ont compris – notre responsabilité commune est plus claire, plus objective, moins sujette à débat que face à nos situations économiques. Encore plus claire, dirait un politicien «de gauche». Mais l’essentiel est qu’ils seraient d’accord sur la santé. Dans les pays où l’on ne fait pas cette distinction, comme aux Etats-Unis, on se porte nettement plus mal.

Et en Suisse ? Il semble qu’on hésite beaucoup. Notre système fournit une couverture d’assurance universelle, oui. Mais entre prendre nos responsabilités ensemble face à la maladie et donner cette tâche aux individus, notre système de santé balance. Des coût-patients élevés ; l’insistance croissante sur la responsabilité individuelle dans la santé ; le retrait de couverture pour des mesures clairement nécessaires pour rouvrir les portes que ferme la maladie, comme les lunettes dans l’enfance ; les métaphores économiques comme le «capital santé». Tout cela est fondé sur l’idée d’une responsabilité pour la santé qui pourrait principalement s’exercer à titre individuel. Le comprendre, c’est voir sous un autre angle ces décisions de transmettre les codes diagnostiques aux assurances, dont on a parlé récemment. Car après tout si l’idée de base est que nous sommes responsables, à titre individuel surtout, de notre santé et de notre couverture d’assurance, alors où est le problème? Certes, une assurance qui connaîtrait mes maladies serait en mesure d’agir contre moi ; mais n’est-ce pas ma responsabilité de me protéger, voire de rester en bonne santé ? Dangereux, ça. Et erroné. Je ne vous cache pas que je n’aime pas du tout cette lecture. Mais l’hypothèse alternative est que ces décisions signent une confiance totale que les caisses maladie n’utiliseront pas ces informations contre les intérêts des patients. A vous de voir quelle version vous préférez…

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