Analyses génétiques et calcul des risques

La radio nous en informe ce matin: des caisses maladies lancent une demande pour obtenir les données génétiques des personnes qui souhaitent contracter auprès d'elles une assurance complémentaire.  La nouvelle aurait été relayée par la NZZ am Sonntag, mais là je n'arrive pas à trouver le lien donc je renonce: soyez gentils et mettez-nous le lien si vous le trouvez.

C'est une question intéressante, au fond. On sent bien qu'il y a un problème, mais où est-il exactement? Dans le danger pour le secret médical? Pas vraiment: c'est le patient qui révèle son information et il en a toujours le droit. L'assureur n'a pas le droit d'exiger cette information, certes, mais comme il n'a pas non plus l'obligation d'accepter qui que ce soit dans l'assurance complémentaire il aura beau jeu d'échanger l'accès à l'assurance contre l'accès aux données. La raison avancée semblerait même relativement raisonnable: si un client potentiel connaît son patrimoine génétique, et qu'il le cache à l'assureur, alors il y aura entre eux une asymétrie d'information et c'est problématique.

Alors où est le problème? D'abord peut-être, on aimerait que cette symétrie d'information aie la même importance quand l'asymétrie va dans l'autre sens. Mais plus fondamentalement, il s'agit ici de donner aux assureurs les moyens de mieux préciser le risque d'une personne. Et ici, si on est gêné, cela mérite un commentaire. Car cerner et chiffrer le risque est en quelque sorte le métier des assureurs. C'est leur compétence, leur savoir-faire, leur raison d'être. Dans la plupart des formes d'assurances, ils s'en servent pour stratifier le risque. Si vous avez une voiture chère à réparer, tout le monde trouve parfaitement normal que vous payez plus cher votre assurance pour cette voiture.

Mais c'est là que le bât peut commencer de blesser. Car dans l'assurance maladie, on ne trouve pas normal de payer plus cher son assurance si on a un corps plus cher à soigner. La solidarité joue, nous devons tous avoir accès aux mêmes soins sur la base de notre prise en charge collective du risque pour notre santé. Notre fragilité biologique commune, notre soutien à l'idée que notre futur doit rester ouvert, tout cela concorde à nous faire prendre en charge collectivement, et solidairement, les soins de santé.


Mais minute, direz-vous... Çà, c'est la logique de l'assurance de base! Dans l'assurance complémentaire, justement, les caisses ont parfaitement le droit de préciser et de stratifier les risques. L'assurance complémentaire, justement, n'est pas censée donner accès à des soins nécessaires et qui ne seraient pas accessibles dans l'assurance de base. Aucun problème, donc. C'est juste un jour de travail comme les autres, circulez il n'y a rien à voir!
Pourquoi, dès lors, sommes-nous inquiets? C'est peut-être parce qu'une nouvelle comme celle-là nous rappelle que ce n'est que dans l'assurance de base que nous avons tous accès aux mêmes prestations. Elle nous rappelle aussi qu'être exclu de l'assurance complémentaire est une loterie. Il est parfaitement possible d'avoir les moyens de s'assurer au meilleur niveau, et puis ooops....plus possible parce que l'an dernier j'ai envoyé par curiosité cet échantillon à une succursale de google qui m'a informé sur mes risques génétiques.

Du coup, c'est peut-être justement là qu'est l'aspect le plus intéressant de cette nouvelle. A chaque fois qu'on nous rappelle que l'assurance complémentaire peut devenir hors de portée, on nous rappelle aussi que notre futur dépendra un jour de la solidité de l'assurance de base. On nous rappelle aussi que nous sommes, finalement, dans le même bateau sur ce chapitre. Quels que soient nos moyens financiers.

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