Quand nous parlons d'autonomie


L'autonomie, c'est important. En même temps, ce n'est pas toujours si bien compris que ça. Comme c'était de nouveau le moment de mon billet dans le Bulletin des médecins suisses, j'ai profité pour écrire quelque chose là-dessus. Je vous mets comme d'habitude l'article (ci-dessous) et le lien (ici). 

Les valeurs d’autonomie, d’auto-détermination, et de liberté sont importantes. Elles figurent en bonne place dans nos décisions cliniques et dans les considérations des politiques de santé. Lorsqu’on les étudie sous l’angle philosophique, ces notions sont riches et complexes. Lorsqu’on les rencontre lors de discussions autour de cas cliniques ou de conférences, il arrive souvent qu’elles soient mal comprises. Leurs aspects les plus importants peuvent pourtant être parcourus assez rapidement. Je vais donc à nouveau m’inviter dans votre quotidien, le temps peut-être d’une pause café, pour rappeler certains points essentiels dans leur mise en œuvre. 

Premier élément essentiel : respecter notre autonomie, c’est d’abord nous protéger contre des abus de pouvoir. Nous avons un droit fondamental à ne rien subir de la part d'autrui contre notre gré. Comme propriétaires de nous-mêmes, nous avons le droit d’opposer un refus à toute intervention sur nous. Les conditions ? Avoir compris les enjeux et être capable de discernement. Ce droit existe même quand l’intervention est clairement indiquée, voire vitale. En revanche, nous n'avons pas un droit symétrique à exiger des interventions. Protéger l'autonomie du patient c'est le protéger contre toute forme d'assujettissement, même bienveillant. Ce n'est pas faire tout ce qu'il veut, et surtout pas faire tout ce qu’il veut quelles qu'en soient les conséquences pour autrui. 

En effet, notre liberté s’arrête où commence celle des autres. Respecter l’autonomie des patients ne signifie pas leur octroyer le droit d’imposer des obligations à des tiers. Un patient âgé et dépendant qui souhaiterait rester à domicile, par exemple, serait en droit de refuser une hospitalisation. Il n’aurait en revanche pas le droit d’exiger que les professionnels de la santé imposent à ses proches l’obligation de s’occuper de lui à domicile. 

Cet exemple illustre aussi que les objectifs des patients dépassent ceux de la médecine. Lorsque nous demandons quelles interventions il convient d’utiliser ou de ne pas utiliser, de maintenir ou d’interrompre, les patients et leurs proches se focalisent plus globalement sur les circonstances de leurs vies. En fin de vie, leurs considérations incluent le souci de ne pas souffrir, mais aussi d’avoir complété sa vie, de contribuer à autrui, d’être respecté comme individu, de garder de bonnes relations, et de se trouver dans un lieu familier. Trop souvent, nos questions sont une sorte de liste à cocher d’intervention à accepter ou refuser. Il serait préférable de discuter des objectifs que la médecine peut soutenir, ou qu’elle risque d’entraver. 

L’autonomie n’est pas un appel à l’égoïsme. Personne n'est contraint de prendre une décision importante dans un splendide isolement au nom de sa propre autonomie. Nos patients ont le droit de discuter leurs décisions si et avec qui ils le souhaitent. Ils ont même le droit de se laisser influencer. Nos décisions sont souvent prises en concertation avec d’autres. L'influence dont nous devons protéger nos patients est celle qu’ils subissent, et non celle qu'ils choisissent. 

Finalement, l’autonomie doit inclure le droit de faire des erreurs. Respecter l’autonomie des patients, c’est reconnaître qu’ils sont comme nous des personnes qui font des choix dans leur propre vie. Comme tout le monde, ils peuvent se tromper. Certes, nous devons les aider à éviter, autant que possible, des erreurs graves. A la fin pourtant, nous ne pouvons pas les contraindre. C’est ainsi : sans droit de faire des erreurs, point de liberté…

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