Mes collègues...

Une collègue juriste, cette fois, et une vraiment excellente. Elle écrivait il y a quelques temps dans Le Temps, sur le sujet de Novartis accusée aux Etats-Unis "d’avoir violé la législation interdisant les kickbacks (Anti-kickback Statute) et celle sur les fausses factures (False Claims Act, FCA)". Un sujet délicat va-t-on dire. Comme d'habitude, un extrait et le lien:

"Aujourd’hui, le géant suisse conteste entièrement les accusations du gouvernement américain et il sera intéressant de voir si cette affaire ira devant les tribunaux. En effet, les négociations à l’amiable étant la règle, les jugements suite à un procès sont extrêmement rares. De plus, l’affaire Novartis soulève la question hautement délicate des rabais: la frontière entre les rabais de quantité jugés neutres et ceux qui influent de manière inadmissible la liberté de jugement des professionnels de la santé est très incertaine.
La Suisse ne connaît pas de législation similaire au False Claims Act. En revanche, elle interdit ou contrôle les kickbacks dans le secteur de la santé."

Allez lire la suite. C'est un sujet intéressant. En Suisse, bien sûr, ces pratiques sont également interdites, comme le souligne Valérie Junod.  Mais comme elle le souligne également, les frontières entre ce qui est permis et ce qui ne l'est pas peuvent être floue. Qu'est-ce qui constitue, exactement, un 'kickback'? Si vous êtiez un représentant pharmaceutique et que vous versiez de l'argent à un médecin pour qu'il prescrive le médicament de votre firme, les choses seraient claires: ça c'est interdit. Mais il y a des situations qui le sont moins.

Disons que vous recrutez des médecins pour participer à une étude clinique. C'est une activité légitime. Ils vont devoir fournir des prestations pour que l'étude puisse avoir lieu. Jusque là pas de problème. Ils vont donc aussi devoir être rémunérés. Pas de problème me direz-vous. A juste titre.

Maintenant, imaginez que vous les recrutez pour réaliser une étude sur un de vos médicaments déjà sur le marché. Disons pour évaluer son profil d'effets secondaires. Cela s'appelle une étude de phase IV, et c'est une forme de recherche importante car il arrive assez fréquemment que des effets secondaires soient trop rares pour être 'vus' lors des essais précédant la mise sur le marché, et ne soient donc détectés qu'après la mise sur le marché d'un médicament.

Jusque là pas de problème? Bon, il y a peut-être un conflit d'intérêts me direz-vous, si c'est le fabricant qui réalise cette étude. Mais face à un conflit d'intérêts on doit commencer par se demander s'il peut être géré ou non, et celui-ci ne sera pas nécessairement ingérable. Un conflit d'intérêts, après tout, ce n'est pas en soi une faute morale: c'est une situation à risque et tout repose sur la manière dont il est géré dans les règles et dans les faits. OK.

Alors maintenant, imaginez que l'étude porte sur les circonstances dans lesquelles on choisit de remplacer un médicament standard par celui de votre firme, et que donc les médecins en question ne puissent y inclure des patients que s'ils ont d'abord décidé de passer au médicament de la firme. Cela devient nettement plus risqué. Vous allez les payez pour cette étude, comme pour les autres. Avez-vous du coup offert de l'argent pour que les médecins prescrivent votre médicament? Cela commence à beaucoup y ressembler.

Est-ce autorisé? L'Académie Suisse des Sciences Médicales a spécifié dans des directives sur les rapports entre médecins et industrie que "Les médecins cliniciens, praticiens et chercheurs n’acceptent, de la partde l’industrie, aucun avantage en espèces ou en nature dépassant les limites de petits gestes de gratitude financièrement insignifiants." Autorisé, donc? Cela va dépendre - en partie du moins- de ce qui compte comme 'financièrement insignifiant'. Et l'exemple que je vous ai décrit n'est bien sûr rien d'autre que cela: un exemple. Un sujet délicat, je vous le disais...



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